« Tu n’as pas assuré sur ce coup-là », « si tu t’y étais pris plus tôt pour préparer cette réunion, çà ne serait pas passé comme ça, tu es nul !». Nous sommes nombreux à entendre cette voix qui surgit de nulle part, souvent après une déconvenue professionnelle et parfois même pendant ! à bien y regarder, elle nous est familière et prend souvent une forme reconnaissable : – Elle s’invite sans que nous l’ayons convoquée, et ne prend aucune précaution oratoire pour nous délivrer son message, comme un collègue qui s’invite par surprise notre bureau pour nous asséner sa vérité. – Le ton est sévère, tranchant, sans demi-mesure : elle ressemble à s’y méprendre à une sentence irrévocable prononcée du haut d’un tribunal. – Elle nous laisse sans voix, au bord de la sidération, comme si un poids invisible nous comprimait la poitrine…. Présentée ainsi, nous pourrions être tentés de nous comporter de façon suivante : 1) La croire sur « parole », reconnaitre ses torts et s’enfoncer dans les méandres de la culpabilité comme pour mieux expier la faute commise. S’ensuit alors une période plus ou moins longue de ressassement, de rumination, de mastication statique et stérile, qui nous laisse souvent prostré et sans énergie pour nous mettre efficacement au travail. 2) Fuir au plus vite ! lui couper la « chique » et passer tant bien que mal à autre chose, se remettre à la tâche par exemple, avec acharnement sur un dossier qui n’est pourtant pas prioritaire dans notre emploi du temps…. En somme nous pourrions nous retrouvés emprisonnés entre deux extrêmes, deux caricatures posturales : Ou bien faire corps avec elle, lui laisser toute la place, nous laisser happer, dans une fusion qui nous ferait l’épouser sans négociation, ou bien la rejeter, l’expulser comme un corps étranger porteur de menaces et véhicule d’émotions désagréables. Et si d’autres voies (voix ?) se faisaient jour ? imaginez un funambule les bras écartés qui tient dans chacune de ses mains une corde tendue de chaque côté et qui lui permettent d’avancer doucement pas à pas sur une Swiss Ball géante ? C’est bien en exerçant une traction sur chaque bras qu’il trouve l’équilibre nécessaire et précaire pour avancer prudemment, et trouver ainsi son meilleur chemin pas à pas, guidé par les ancrages des cordes et l’équilibre des forces de traction qu’il perçoit à chaque instant que le mouvement se met en place. C’est bien en maintenant (main tenant…) les tensions entre ces deux extrêmes, en nous appuyant dessus, en les faisant dialoguer que nous pourrions nous mettre en mouvement dans la résolution de notre différend : c’est à cet endroit précis que le coach trouve sa juste place en invitant son coaché à les questionner : Ok la voix du jugement est sévère, sans concession, mais qu’a-t-elle à me dire au fond ? De quel besoin parle-t-elle, certes maladroitement ? A quel endroit ne me suis-je pas écouté, quelle valeur a été bafouée pour que je réagisse ainsi ? Qu’y aurait-il à nuancer, à garder, à extraire de ce jugement sans appel ? En parallèle la voix de la fuite serait elle aussi mise à contribution : Est-ce que ce dossier est si important, urgent ? Qu’est qui justifie cette fuite soudaine ? Qu’est-ce qu’elle me permet d’éviter ? De quel goût, de quelle sensation désagréables je souhaite m’éloigner ? Probablement que ces deux voix discordantes font intégralement partie de nous-mêmes, sans qu’il nous soit possible de les « classer » au bon endroit, les ranger dans le bon tiroir : mais est-ce bien là l’important, classer, rager, étiqueter ? et si le seul enjeu était de me remettre au travail « justement » pour moi, mes priorités, mon équipe, mon organisation ? n’est-ce pas notre faculté de discernement, soutenu par un coach qui constitue un enjeu majeur au fil de notre vie professionnelle ? comme deux jardiniers qui de concert s’aventureraient dans un jardin encombré et luxuriant, pour élaborer en conscience les travaux fertiles à entreprendre…… Une habitude à prendre serait donc d’associer jugement et discernement….. en conscience. Le chemin semble paradoxal, ardu et pourtant ! Quelle perspective que de transformer de sombres expériences en occasion de se ré inventer, en gardant intact notre créativité pour apprendre à résoudre par nous-mêmes les difficultés auxquelles nous nous confrontons quotidiennement.